[A LA DECOUVERTE DE] – Laurent Duret

Bachibouzouk est une société de production. Mais une société de production pas comme les autres. Elle propose des programmes documentaires de qualité, expérimente des nouvelles formes de narration et souhaite, avant tout, « s’ouvrir au monde, avec sourire et curiosité, pour mieux le comprendre ». Rendez-vous avec Laurent Duret, fondateur de Bachibouzouk.

Qui êtes vous Laurent Duret ?

J’ai 50 ans, une barbe poivre et sel, plus beaucoup de cheveux, un peu de bide mais je continue d’être curieux comme un gamin. Bavard, vantard, verseau, cheval de feu, bosseur… producteur. Que dire….

De ma scolarité chez les Jésuites, écourtée pour cause d’indiscipline, je retiens essentiellement la découverte de la photographie, de la caméra Super 8 et du ZX 81 de Sinclair, acheté en kit parce que c’était moins cher… Des années de Spectrum, Commodore 64, TO 7, MO 5, Apple 2E… En fin d’études, je réalise mon premier film : un documentaire de 13 minutes sur un sculpteur (Thierry Dufourmantelle) et je m’aperçois que j’ai envie d’en tourner d’autres…

Objecteur de conscience, me voilà volontaire du Service National en Coopération. Je suis nommé en Guinée afin de développer la « coopération audiovisuelle franco-guinéenne ». J’y passe 2 ans d’une grande richesse humaine et professionnelle et j’y apprends la gestion de projets. Cette découverte de l’Afrique marque profondément mon parcours. Pendant plusieurs années, j’y retourne régulièrement : j’y réalise plusieurs films comme « Province Conakry » ou « Allah Kabon », et je participe aussi en production ou en régie à plusieurs tournages s’y déroulant.

Ces projets débouchent sur d’autres et je me mets à travailler de plus en plus en production sur des projets de plus en plus gros. Des longs-métrages documentaires, puis de la fiction, des captations, à chaque fois, des projets où l’on se donne intensément. Puis, l’écriture aussi. Je reçois, en 1998, la Bourse scénariste de la Fondation Hachette puis je suis lauréat d’Emergence en 1999.

Mais c’est le faire, l’action tout feu tout flamme, qui m’attire. Je n’arrive pas à passer des heures et des mois sur un seul projet, il faut que ça brasse. Alors la production. A partir de 2007, j’assure la production exécutive puis la (co) production déléguée, au sein des Films d’Ici avec de nombreux documentaires dont « Turn Me On » de Marc Huraux et « Enfants bananes » de Xiaoxing Cheng. En 2012, je participe à la création de Les Films d’Ici 2 et produis ou co-produis « Fabienne Verdier, Peindre l’instant » et « Costello, l’autre Elvis » de Mark Kidel, « Des armes et des mots » de Jan Peter et initie la collection documentaire économique d’Arte « Déchiffrage ».

Toutefois, la gouvernance des Films d’Ici 2 est un échec et je décide de créer ma propre structure, Bachibouzouk.

J’ai fait partie de la Mission de réflexion autour de la classification des documentaires auprès de la Présidente du CNC dite « Mission Jeanneau », c’était passionnant. Actuellement, j’interviens au Master Pro Production de l’Université Paul Valéry de Montpellier et, récemment j’ai animé un atelier VR à la FEMIS. Je suis aussi membre suppléant de la Commission Sélective Documentaire du CNC et de la commission documentaire TV de la Procirep.

D’où vous est venue l’envie de créer le Bachibouzouk ?

L’idée de créer le Bachibouzouk est née quand j’ai décidé de quitter les Films d’Ici où je ne trouvais plus la liberté de travail à laquelle j’aspirais… A l’origine de ce projet, il y a Annouk Guérin et moi-même. Mais il y a aussi un certain nombre d’auteurs, de créateurs avec qui nous travaillons souvent et avec plaisir.

Au-delà du clin d’œil au Capitaine Hadock, le Bachibouzouk est un mercenaire de l’armée de l’Empire Ottoman avec un armement non standardisé et une discipline faible. Ces derniers points me plaisaient particulièrement. Bachi-Bouzouk littéralement ça veut dire « sans tête », parce que ces soldats prenaient des risques insensés. Ca aussi ça me plaisait. Et puis, il y a un magnifique tableau de Jean-Léon Gérôme …

Pourquoi nous nous sommes orientés vers les nouvelles écritures ? C’est surtout parti d’un constat : mes enfants ne regardent plus la télé mais bien d’autres écrans. Il faut leur raconter des histoires aussi. Cependant, nous ne souhaitons pas délaisser la télévision. Par exemple, en ce moment on co-produit une série de 6×52 docu-fictions pour Arte autour de la guerre de 30 ans (1618-1648)

Récemment, avec Bachibouzouk, j’ai produit « La Guerre des Imams » de Jacques Sarasin, « Les Mots Doux » d’Antoine Bonnin et Estelle Djana (un film sur la vie sentimentale de personnes en situation de handicap mental, sélectionné à « docs en régions » au Figra 2017, accompagné d’un important dispositif viral « www.legrandtestdelamour.com ») « Zone Rouge » d’Olivier Dubuquoy et Laetitia Moreau (Mention Spéciale du Jury FIGRA 2017), « Noire est la Couleur » de Jacques Goldstein et Daniel Soutif, la web-série « Noire Amérique » (Florent de la Tullaye, Caroline Blache, Alain Mabanckou), l’application VR « Histoires d’Espaces » (Festivals d’Aix, d’Avignon, Culturebox / Saison 1 en 2016, Saison 2 en 2017), le court métrage interactif « La grande histoire d’un petit trait » (sélectionné au FIPA 2017) l’application VR HTC Vive Kandinsky et le Musée Numérique de la MicroFolie La Villette/Sevran.

Nous produisons en ce moment un projet de BD documentaire interactive « Panama AL Brown » (Jacques Goldstein, Alex W. Inker, Camille Duvelleroy), une série documentaire-fiction de 6×52’ « The Age Of Iron » (Yury Winterberg, Philippe Bérenger) et un rétro live tweet vidéo sur mai 68, « La Barricade » (Bruno Masi).

Quelle est la place des nouvelles écritures audiovisuelles chez Bachibouzouk ? 

Les nouvelles écritures sont une autre perception ! Ce n’est pas rajouter ou enlever. C’est une autre façon de raconter une histoire. Je ne sais pas ce qui existera dans l’avenir mais en tout cas si on ne pratique les outils qui permettent de raconter des histoires alors on sera vite perdu…

Il y a eu des très belles choses en web-documentaire et des choses moins bien. Certains ont trouvé un public d’autres non. Certains objets étaient fort précurseurs. Je ne suis pas totalement convaincu aujourd’hui par la délinéarisation du récit. Je crois que le spectateur aime qu’on lui raconte une histoire avant tout. Ca ne veut pas dire qu’on ne peut embarquer le spectateur en le faisant devenir utilisateur. Mais c’est un travail complexe. Les vrais questions, ce sont les questions du temps de lecture et de l’engagement d’audience.

Que ce soit « 1914, dernières nouvelles » où le pari a été de raconter une histoire différente chaque jour pendant huit mois et que l’ensemble de ces histoires en racontent une autre ou « www.legrandtestedelamour.com » qui complète le film « LES MOTS DOUX » nous avions un même objectif : changer votre regard sur le handicap mental.

Allez voir aussi « Moi, j’attends » et « La Grande histoire du Petit Trait », c’est beau et ça marche beaucoup avec les enfants. La problématique : se faire connaître.

Et la suite ?

Les quatre gros projets sont à venir :

La barricade qui sortira le 24 mai 2018. Une série pour twitter et facebook sur Mai 1968 diffusée heure par heure, comme un rétro live tweet, qui raconte la journée la plus violente de mai 1968

ON/OFF un documentaire de 25’ en VR autour de la question de fin de vie (dont la version courte était en sélection officielle hors compétition à la Mostra de Venise fin août dernier), un objet très très fort et touchant.

Panama Al Brown, l’énigme de la Force : une bd documentaire interactive qui sortira je pense en juin et pour laquelle j’ai une sympathie particulière

Et The Age Of Iron, qui sortira en Octobre probablement, 6×52’ docu-fiction sur la guerre de trente ans, une coproduction internationale un peu complexe.

Seules les histoires comptent. L’innovation n’est là que pour servir des histoires. Toute la question est « où » et comment consomme-t-on des histoires. Sur quels « devices ». Et comment asservit-on ces machines pour raconter des histoires. A l’heure où dans le métro tout le monde a le nez sur son téléphone, comment produire des histoires qui racontent le monde, avec sourire et curiosité, pour mieux le comprendre.

 

 

 

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